Invention du magnétron
Figure 1 : Modèle du magnétron de Hull
Figure 2 : Modèle du magnétron à anode fendue de Habann
Figure 3 : Modèle du magnétron à multiple cavité de Hollmanns
Figure 4 : Modèle du magnétron à cavité de Randall et Boot
Invention du magnétron
Comme dans toutes les innovations, le magnétron n’est pas la découverte d’un seul homme mais le résultat d’un processus impliquant plusieurs acteurs. Il serait très long de relater l’histoire complète de l’appareil et souvent les sources sont partiales. Cependant, les principaux jalons sont:
1912 Pour tenter de mesurer le rapport de la charge à la masse des électrons, le physicien suisse Heinrich Greinacher utilise un tube à diode ayant une anode et une cathode en forme de cylindres concentriques dont l’axe est parallèle à un champ magnétique. L’expérience ne réussit pas parce que le vide dans le tube n’était que partiel ce qui empêcha un flux suffisant d’électrons d’être émis par la cathode. Cependant, Greinacher fut capable d’en tirer la formule mathématique de la trajectoire d’un électron en mouvement dans un champ magnétique.
1921Albert W. Hull chez General Electric expérimente avec un tube à vide pour trouver la trajectoire des électrons dans un champ magnétique uniforme. Son but était de développer un relais contrôlé magnétiquement ou un amplificateur afin que GE puisse concurrencer la triode à grille de contrôle de Western Electric. Un autre but était d’enquêter sur la possibilité de produire une onde de radiofréquence.
Il développe l’appareil de la figure 1 où on retrouve une cathode au centre entouré par une anode cylindrique. Le tout est plongé dans un champ magnétique, produit par un solénoïde, parallèle à l’axe de la cathode. Le champ magnétique permet de courber le faisceau d’électrons émis par la cathode et il note qu’il est possible de contrôler le flux d’électrons vers l’anode en le variant. En utilisant les bons réglages, il peut même rendre la courbure parallèle aux parois de l’anode et se rend alors compte qu’il obtient une oscillation. Il en déduit que cela serait utile à ses buts mais n’arrive pas à stabiliser le flux. Hull donne le nom de « Magnetron » à son invention.
1924Le concept du magnétron, mais à haute fréquence, est indépendamment expérimenté par le physicien allemand Erich Habann, à l’université d’Iéna, et le professeur tchèque Napsal August Zázek de Prague. Habann prédit correctement les conditions pour qu’une résistance négative apparaisse dans l’instrument, un pré-requis pour éliminer les pertes par amortissement dans un circuit oscillant. Contrairement à Hull, Habann utilisa un champ magnétique constant, comme dans les magnétrons modernes, et varia le potentiel entre l’anode et la cathode (figure 2). Son appareil utilisait une anode fendue qui lui permit d’obtenir des oscillations de l’ordre de 100 MHz. Zázek utilisa une anode faite d’un cylindre solide et put générer des fréquences jusqu’à 1 GHz.
1929La percée dans le domaine de la génération d’ondes centimétriques se produisit en 1929 quand Kinjiro Okabe, un étudiant du professeur Hidetsugu Yagi à l’université de Tohoku de Sendai au Japon, expérimenta sur un magnétron à anode fendue. Il produisit une onde de fréquence de 5,35 GHz. Ces longueurs d’onde seront largement utilisées plus tard dans les radars. Cette découverte fit le tour de la communauté scientifique mais à cause de problèmes de stabilité de la fréquence émise, cet appareil ne fut pas immédiatement utilisé en télécommunication.
1935Hans Erich Hollmann soumit le 27 novembre 1935 un brevet pour un magnétron à multi-cavités (figure 3). Le brevet américain (2,123,728) lui fut décerné le 12 juillet 1938. Ce type de magnétron deviendra par la suite le standard dans le domaine à cause de la grande puissance de l’onde qu’il peut émettre. Hollmann utilisa une anode à quatre fentes à laquelle il adjoignit un cylindre de résonnance à chaque fente (figure 3).
1940John Randall et Henry Boot sont souvent cités comme les inventeurs du magnétron à cavités mais ils sont plutôt ceux qui ont réussi à améliorer l’invention de Hollmann et d’en faire un émetteur à haute puissance. Leur invention était de conception simple et robuste en creusant les cavités dans la paroi de l’anode. Le nombre de cavités passa de quatre cavités à six ou plus. Un prototype à huit cavités, comportant un système de refroidissement à l’eau, fut assez compact et léger pour être utilisé dans un transmetteur de radiofréquences de 3 GHZ ayant une puissance de 15 kW.
À cause de la longueur d’onde centimétrique produite par ces magnétrons, l’antenne pouvait être de petit diamètre (D) par rapport aux longueurs d’onde plus grandes utilisées antérieurement, tout en conservant un fort gain. En effet, ce dernier étant inversement proportionnel à la longueur d’onde au carré (G → D/λ2). La puissance du transmetteur et le gain de l’antenne permettaient ainsi de repérer les cibles d’une grande distance avec une bonne précision grâce à la résolution angulaire verticale et azimutale du faisceau.
Ces améliorations permirent de développer des radars aéroportés. Dès le milieu de 1940, des B-17 en furent équipés et ces derniers furent cruciaux dans la chasse aux sous-marins allemands durant la Seconde guerre mondiale.
Il est à noter que le 8 mai 1940, soit juste avant la chute de la France, Maurice Ponte de la Compagnie générale de la télégraphie sans fils amena en Grande-Bretagne les résultats des recherches d’Henri Gutton sur les cathodes à oxyde dans un magnétron à fentes multiples. Ceux-ci furent incorporés plus tard dans le magnétron de Randall et Boot pour remplacer la cathode de tungstène, ce qui diminua la température d’opération et augmenta la durée de vie de l’appareil. Le tout fut apporté dans les bagages de la Mission Tizard, qui cherchait l’aide américaine dans la production de guerre, et permit de produire massivement le magnétron pour l’usage des Alliés.
De leur côté, les Allemands, bien qu’ayant poursuivi les recherches d’Hollmann sur le magnétron de leur côté, préférèrent le klystron dont la fréquence et la phase étaient plus stables.